François Couperin : Sarabande "L'Unique"
(2e Livre de Pièces de Clavecin, 8e Ordre en si mineur).
Martin Gester, clavecin Denzil Wraight / Gräbner
Cette Sarabande grave a la particularité de présenter des moments d'excitation ("vivement", en 3/8 dans un contexte en 3/4 habituel dans les sarabandes). Un peu à la manière de "La Coquette" dans les Folies Françaises où les mètres et les caractères changent plusieurs fois.
Référence à une personnalité changeante, bipolaire, dirions-nous ?
On pense à ce texte décrivant un danseur dansant une sarabande :
« Il dansa donc d’abord, avec une grace tout à fait charmante, d’un air grave mesuré, d’une cadence égale lente avec un port de corps si noble, si beau, si libre, si dégagé, qu’il eut toute la majesté d’un Roy...
En suite, s’élevant avec plus de disposition, portant les bras à demy hauts, à demy ouverts, il fit les plus beaux pas que l’on ait jamais inventez pour la danse.
Tantost il couloit insensiblement, sans que l’on pût discer[ner] le mouvement de ses pieds de ses jambes, sembloit plûtost glisser que marcher. Tantost avec les plus beaux temps du monde, il demeuroit suspendu, immobile, demy penché d’un côté, avec un de ses pieds en l’air, puis réparant la perte qu’il avoit faite d’une cadance, par une autre plus precipitée, on le voyoit presque voler, tant son mouvement estoit rapide.
Tantost il avançoit comme à petits bonds ; tantost il reculoit à grands pas ; qui tous reglez qu’ils étoient, paroissoient estre faits sans art, tant il estoit bien caché sous une ingénieuse négligence...
Quelquefois il laissoit passer une cadence entiere sans se mouvoir, non plus qu’une statuë ; puis partant comme un trait, on le voyoit à l’autre bout de la sale, avant que l’on eust le loisir de s’appercevoir qu’il estoit parti.
... Cette galante personne commença d’exprimer les mouvements de l’ame par ceux du corps, de les mettre sur son visage, dans ses yeux, en ses pas, en toutes ses actions.
Tantost il lançoit des regards languissans passionnez, tant que duroit une cadence lente languissante ; puis il détournoit ses regards, comme voulant cacher sa passion ; par un mouvement plus precipité, il déroboit la grace qu’il avoit faite.
Quelquefois il exprimoit la colère le dépit, par une cadance impetueuse turbulente ; puis representant une passion plus douce par des mouvements plus moderez, on le voyoit soûpirer, se pâmer, laisser errer ses yeux languissamment ; par certains détours de bras de corps, nonchalans, demis, passionnez».
Le Dictionnaire royal augmenté, seconde édition. Composé par le P. François Pomey,... [Texte imprimé]. - Lyon : A. Molin, 1671.
enregistré en confinement le 23 avril 2020
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