Depuis une dizaine d’années, l’entrepreneuriat féminin attire l’attention des institutions et est encouragé en tant qu’initiative personnelle. Le GEM (Global Entrepreneurship Monitor), organisme principal d’étude de l’entrepreneuriat au niveau mondial, suit ce phénomène et son évolution depuis 2006. Leur rapport de 2012 indique qu’il existe environ 126 millions de femmes localisées dans 67 pays qui ont créé ou qui sont en train de créer une entreprise. Leurs résultats soulignent la force que représente la présence d’entrepreneurs des deux sexes au sein d’une société. Ainsi, parmi les bienfaits soulignés, ils indiquent qu’une société avec des femmes entrepreneurs est plus résiliente en cas de crise et subit moins de ralentissement économique (GEM, 2015). En Europe, les entrepreneures représentent environ 30% de la population entrepreneuriale. Ce pourcentage est sensiblement le même en Amérique du Nord, mais est plus élevé sur le continent Africain ou en Asie (proche de 50%). Comme le souligne l’étude du GEM (2015), ces différences reflètent les traditions et la culture de chaque pays comme la nécessité de générer des revenus pour aider sa famille ou le choix de préférer un emploi salarié.
Néanmoins, les futures entrepreneures doivent faire face à des a priori ancrés dans les sociétés. Ces « mythes » ont été décrits par Candida Brush et ses collègues en 2001 (Brush et al., 2001) et montrent le chemin qu’il faut parcourir pour que l’entrepreneuriat féminin puisse se développer. Les mythes identifiés par les auteures indiquent que les femmes ne créent pas d’entreprises à forte croissance, choisissent plutôt des secteurs d’activité non lucratif et par conséquent ne peuvent pas intéresser les financeurs potentiels. Nous pouvons noter que ce discours associé renvoie directement aux différences « homme/femme » existantes dans le monde du travail et nous rappelle que l’entrepreneuriat féminin a d’abord été défini par opposition à celui des hommes. Ainsi, les caractéristiques idéalisées de l’entrepreneur renvoient à la prise de risque, l’innovation ou la capacité à contrôler son destin (Nakara, Fayolle, 2012) et font encore référence dans l’inconscient collectif à une vision « masculine » de la création d’entreprise et à l’exemplification d’hommes entrepreneurs (ex. Bill Gates, Steve Jobs, Mark Zuckerberg, etc.).
En France, le gouvernement s’est engagé, en août 2013, à faire augmenter de 10 points le taux de création entrepreneuriale par des femmes et ceci avant 2017. Comme le rappellent Santoni et Barth (2015), cet effort a été mis en place suite aux Assises de l’entrepreneuriat (2013) et suppose l’implication de trois ministères (droits des femmes ; enseignement supérieur et recherche ; et PME, innovations et Economie numérique). Un programme de sensibilisation et d’aide au financement dédié a ainsi été mis en place et de nombreuses structures d’accompagnement spécifique ont vu le jour. Néanmoins, ces efforts entrepris n’ont pas encore donné de résultat flagrant, le pourcentage actuel de créatrices d’entreprises restant sensiblement le même (chiffres INSEE). En 2015, le rapport du GEM indique que les taux d’activité des entrepreneurs féminins en France est légèrement en dessous des autres pays européens. Selon ce même rapport, les causes pourraient être liées à une perception des opportunités plus basse ou à une reconnaissance moins forte de la part des créatrices de leurs compétences. L’influence du genre dans la perception de leurs compétences et dans la peur de l’échec apparaît comme étant le point le plus sensible pour améliorer l’entrepreneuriat féminin. C’est donc dans ces directions que les efforts doivent être menés.
Inès GABARRET est professeur en entreprenariat à l'ESSCA (École supérieure des sciences commerciales d'Angers).
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