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C’est l’une des auditions les plus marquantes de la commission d’enquête parlementaire sur les violences dans le monde du cinéma. Le 7 novembre, l’actrice Sara Forestier a témoigné de violences subies pendant sa carrière, et décrit « la machine à broyer des talents », selon les mots du rapporteur (MoDem) Erwan Balanant.
Invitée de notre émission « À l’air libre », l’actrice de 38 ans, révélée dans L’Esquive (2003), d’Abdellatif Kechiche, relate la difficulté de l’industrie cinématographique à prendre en charge la question des violences, la « focalisation » sur les femmes qui dénoncent des violences, et les mauvaises « réputations » qui leur seraient faites en retour : « Ils cherchent peut-être Mère Teresa, mais il n’y a pas de victime parfaite. »
Elle revient aussi sur l’impact de la parole de la comédienne Adèle Haenel en 2019 – affaire dont le procès se tiendra les 9 et 10 décembre au tribunal correctionnel de Paris.
Sara Forestier révèle avoir elle-même témoigné à l’appui d’une plaignante dans la procédure visant Jacques Doillon, accusé de violences sexuelles par plusieurs femmes (le réalisateur conteste les faits et a déposé une plainte en diffamation contre la comédienne Judith Godrèche) : « J’ai tourné avec Jacques Doillon [dans le film Mes séances de lutte (2013) – ndlr], une plaignante a porté plainte contre lui, j’ai témoigné dans ce cadre-là pour dire des choses que j’avais vues et qu’avait faites Jacques Doillon sur ce tournage, sur cette fille-là. »
Sur notre plateau, la comédienne revient également sur son témoignage à l’égard de l’acteur Nicolas Duvauchelle, qu’elle accuse de l’avoir giflée sur le tournage du film Bonhomme en 2017.
Selon nos informations, elle a déposé une plainte en mars 2023 et une enquête préliminaire est en cours au parquet de Paris. Elle annonce qu’elle compte aussi porter plainte en diffamation contre le comédien, qui l’a qualifiée, le 8 novembre, sur le réseau social X, de « mythomane », et qui a assuré – à rebours de ses déclarations dans le dossier judiciaire – que c’est elle qui l’aurait « giflé ».
Sollicité par Mediapart pour un entretien vidéo, Nicolas Duvauchelle, qui est présumé innocent, a répondu qu’il ne souhaitait « pas [s’]exprimer davantage à ce stade ». Il nous a indiqué qu’il n’avait « jamais frappé Sara Forestier » et que les propos de l’actrice à son égard étaient « absolument faux ».
De son côté, le producteur du film, Denis Pineau-Valencienne, nous a fait savoir qu’il n’y avait eu « ni gifle ni violence physique » d’après les cinq témoignages écrits qu’il avait à l’époque recueillis auprès de « membres de l’équipe présents sur place ».
La réalisatrice, Marion Vernoux, nous a également répondu qu’à sa connaissance, aucune gifle n’avait été donnée par l’un ou par l’autre. « Qu’a-t-il bien pu se passer pour qu’ils en viennent à de telles extrémités verbales ? Je m’approche pour tenter de les calmer. Ils continuent de se cracher au visage des insanités. Sans doute quelques postillons haineux atterrissent-ils sur le visage de l’autre. En termes de violence physique, je ne peux témoigner que de cela », écrit-elle dans le témoignage qu’elle a transmis à Mediapart. La cinéaste explique avoir, au moment des faits, refusé d’appuyer la main courante de Sara Forestier au commissariat, car elle ne voulait pas faire « un faux témoignage », même pour sauver son film, dit-elle.
Après l’enregistrement de cette émission le mardi 26 novembre, Sara Forestier a souhaité réagir à la réponse de Marion Vernoux : « J’ai fait cette émission parce que dans le cinéma et la société, il faut briser les chaînes des complicités. Les silences complices ça n’existe pas, ce sont des “tais-toi” complices, des culpabilisations complices, des minimisations d’actes des agresseurs. Il faut que cessent les complicités, pour que les agresseurs se retrouvent affaiblis, démunis, et moins forts dans leur domination. J’y crois. »
Une émission préparée et présentée par Mathieu Magnaudeix et Marine Turchi, journaliste au service enquêtes de Mediapart.
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