S Y L P H I D E S
Provoquer la rencontre.
Permettre à ces femmes d'écrire leur place en tant qu’artiste en leur pays.
Il existe ce désir, en Méditerranée, celui de s’affirmer en tant qu’artiste de la danse dans un monde qui doit encore progresser malgré d’indéniables avancées.
Il faut espérer qu’une suite pourra exister malgré l’immensité de la tâche à accomplir pour accompagner ces danseuses, continuer leur apprentissage et les professionnaliser pourquoi pas si tel est leur désir.
Fier d’avoir été ici et de nouveau ce que j’aime le plus dans mon art, être un artisan au sens originel du terme en mettant mon art au service d’autrui.
Que ce combat de faire exister dignement ces femmes artistes de la danse sur leurs terres auquel je contribue ici humblement se poursuive.
Venues d’Algérie, de France, de Tunisie, de Belgique, d’Israël, de Palestine et du Maroc.
Pour ma part, je garde ému le souvenir de leurs étreintes pour se dire au revoir les unes aux autres à la fin de cette aventure. Un au revoir qui se fait l’écho de ce que je tente de fabriquer chaque jour. Rendre, au delà de la partition apparente de notre monde, possible l’impossible.
Merci à Pierre Magnol / Bright Photon et Romain Granchamp d’avoir oeuvré pour laisser la trace d’une aventure singulière et sans pareil.
Et merci à Bérengère Alfort notre conseillère artistique d’accepter de nous accompagner encore dans cette nouvelle aventure.
« Hervé Koubi et ses Sylphides
Incandescence
La lumière par le feu. Telle est la ligne de force de ce ballet féminin, ode à toutes celles qui se battent dans le monde (et pas seulement méditerranéen) pour faire de leur désir une réalité. Mais de quelle réalité traite ici Hervé Koubi ? Paradoxalement, les danseuses qui ont voulu faire partie du projet, venues d’Algérie, de Tunisie, du Maroc, mais aussi de France, de Belgique, d’Israël et de Palestine, ont œuvré de manière sororale à mettre au jour contemporain le mythe du « ballet blanc », dont la source est à chercher en France au XIXème siècle.
Car oui, malgré le titre Les sylphides, il ne s’agit pas d’une reconstitution de la pièce conçue en 1909 par Fokine au Théâtre du Châtelet pour les Ballets Russes, mais d’une remontée poétique vers les premiers pas de Marie Taglioni qui, sur la chorégraphie tissée pour elle par son père Filippo, a créé en 1832 à Paris, en l’Opéra brûlé depuis qui se situait rue Le Peletier, La sylphide. Et cet opus inaugural du « ballet blanc », fort des tutus imaginés par Lami, des corsets qui obligeaient la danseuse mystique à se tenir droite malgré ses pathologies pulmonaires (et elle les louait pour cette raison, en remerciant le Seigneur), des premiers chaussons de pointe dont l’embout n’était pas encore renforcé, accroissant la difficulté de l’élévation, parle d’une réalité différente, et résolument moderne.
En effet, contrairement à Giselle, qui verra le jour en 1841, donc neuf ans plus tard, sous le visage de Carlotta Grisi, La sylphide ne dissocie pas clairement monde matériel et univers imaginaire (ou de l’au-delà, selon nos croyances). Si Giselle, dans l’esprit de Coralli et Perrot, est faite de chair et de sang à l’Acte I, pour devenir wili à l’Acte II, la sylphide, en revanche, brouille amoureusement, et constamment les pistes. Le réel devient autant le fantasme fantomatique que la chambre concrète de James, qui tombe amoureux d’un « être asexué, et par là éternel sex symbol », comme l’écrivait le critique Barnes en son temps. Il s’agit d’un ange.
Or, les anges, en deçà du débat théologique de savoir s’ils (ou elles) ont un sexe ou pas, échappent à la « prise » masculine de la sexualité : dès que la sylphide est enlacée par James, qui lui, consent à l’adultère puisqu’il est fiancé à la terrestre Effie, elle meurt. Cependant, sa résurrection se joue par le désir perpétuel qu’elle lègue en héritage à son amant dont l’acte n’a pas eu lieu. Et point par le pardon accordé plus tard dans l’histoire de la danse par Giselle à Albrecht – la sylphide n’est pas un être humain qui invite à l’analyse morale et psychologique. Et ce non-lieu est l’essence même du désir.
Nous y voici. Hervé Koubi, en faisant danser, et surtout se rencontrer, des femmes amatrices et professionnelles de l’art chorégraphique dans le désert, va plus loin. Il n’y a pas d’homme dans sa version du ballet blanc. Qui se fait, à la lumière de la Méditerranée, rose, d’ailleurs. L’artiste met en scène, tantôt en tableaux vivants, par instances en relation onirique avec l’eau, le ciel et son oiseau symbolisant la vie malgré tout, par-delà la mort, la seule résurrection possible en notre ère nihiliste où la « mort de Dieu » est accomplie, en suivant le mot de l’Insensé du Gai savoir nietzschéen, faisant écho blasphématoire à Psaumes 53, 2 : « L’Insensé dit en son cœur ‘’il n’y a point de Dieu’ ».
Bérengère Alfort,
Conseillère de la Compagnie Hervé Koubi »
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