Ariane Brisson, flûte | arianebrisson.com
Récital de doctorat - Enregistré le 12 septembre 2018 à la salle Claude-Champagne de la Faculté de musique de l'Université de Montréal
Cinq incantations pour flûte seule (1936) – André Jolivet (1905 – 1974)
Seul disciple du compositeur français Edgard Varèse, le jeune André Jolivet entretiendra tout au long de sa vie une correspondance avec son maître, témoignant d’un respect et d’une admiration mutuels. À une époque où la flûte obtient ses lettres de noblesse grâce à la musique impressionniste française, Jolivet et Varèse écriront sans même se consulter, deux des œuvres pour flûte seule les plus déterminantes dans le répertoire qui briseront à jamais l’image douce et légère de cet instrument, soit respectivement les Cinq Incantations et Densité 21.5. Désirant redonner à la musique son rôle antique d’« expression magique et incantatoire », c’est vers la flûte, son instrument de prédilection, que Jolivet se tournera, séduit par son système primitif d’émission du son, son lien au souffle et son rôle incantatoire ancien. Le compositeur lui écrira de nombreuses œuvres phare, dont l’incontournable Chant de Linos, dont la création fût assurée par le flûtiste Jean-Pierre Rampal lors de son examen de Concours à Paris en 1944, ainsi que son Concerto pour flûte et orchestre à cordes. Ces deux pièces, tout comme l’ensemble de l’œuvre de Jolivet, mettent à l’épreuve tant l’interprète que les limites de l’instrument, notamment par leur extrême tessiture et leur exigence physique particulière.
Ses Cinq Incantations pour flûte seule témoignent déjà d’une grande spiritualité dans l’écriture du jeune Jolivet. Découpée en cinq mouvements où la notion de répétition hypnotique est prédominante, chacun d’entre eux se veut une imploration incantatoire. Dans le premier mouvement, le compositeur joue avec les textures en opposant une première ligne de basse déclamatoire aux rythmes pointés à une ligne sifflante et flottante en flatterzung dans le registre aigu de la flûte, rappelant la construction formelle de l’ouverture à la française baroque. La seconde incantation, qui fait référence à l’enfantement d’un nouveau-né qu’on souhaite fils, Jolivet use de formules de notes répétées évoquant les contractions et le sentiment d’urgence provoqués par l’accouchement. La régularité des idées musicales du troisième mouvement et leurs itérations tenaces illustre à merveille le dur labeur auquel fait face le cultivateur. D’entrée de jeu, l’atmosphère ataraxique dans laquelle nous plonge Jolivet dans cette quatrième incantation nous permet cette communion sereine avec l’univers évoquée. Le dernier volet du cycle aux courtes cellules thématiques violentes et déchaînées répétées ad nauseam s’élève tel un cri du cœur, un chant de deuil particulièrement douloureux, rappelant le rôle primaire de la musique pour le compositeur, soit celui d’« affirmer la primauté en musique de l'élément monodique ».
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