DATE : 2016
AUTEUR : Jean-Louis. RASTOIN est membre de l’Académie d’Agriculture de France, professeur émérite à Montpellier SupAgro, fondateur de la Chaire UNESCO et du réseau Unitwin en Alimentations du monde
RESUME :
Un système alimentaire est « la façon dont les hommes s’organisent pour produire et consommer leur nourriture », selon la définition du professeur Louis Malassis. C’est aussi le résultat d’une très longue histoire remontant au néolithique, avec aujourd’hui une grande diversité de formes qui tend cependant à se réduire de façon accélérée sous l’influence hégémonique d’un modèle agroindustriel concentré, spécialisé, globalisé et financiarisé. Les comportements mimétiques des pays émergents font que ce modèle, construit et sophistiqué depuis environ un siècle dans les pays occidentaux, alimente aujourd’hui plus de la moitié de la population mondiale, tandis que 40 % de cette population reste dans un schéma traditionnel et 10 % dans des formes expérimentales que l’on pourrait qualifier de « post-modernes ».
Avec plus de la moitié des habitants de notre planète en situation de malnutrition par carence (environ 2 milliards) ou excès (également 2 milliards) et le lourd fardeau des maladies chroniques d’origine alimentaire qui l’accompagne, le bilan est celui d’un échec collectif aussi consternant que dramatique tant pour le système agroindustriel que pour le traditionnel. Des avancées ont été accomplies, notamment grâce au progrès scientifique et technologique, mais elles se heurtent aujourd’hui à de lourdes externalités négatives aggravées par la crise multiforme — sociale, économique et environnementale — que traverse le monde et les défis géopolitiques et climatiques redoutables à relever.
Il est donc indispensable d’adopter une vision prospective pour imaginer un futur alimentaire souhaitable. Le premier scénario est dit tendanciel. Il se caractérise par la généralisation d’une gouvernance actionnariale par les marchés financiers de l’ensemble des acteurs du système agroindustriel et en particulier de l’agriculture (avec 5 millions d’entreprises agricoles capitalistes dans le monde en 2050 contre 500 millions familiales aujourd’hui). Pour des raisons éthiques et pratiques — destruction massive d’emplois et de la biodiversité — ce scénario n’est pas acceptable.
Le scénario alternatif est fondé sur un objectif d’alimentation responsable et durable et des filières courtes et équitables, à gouvernance territoriale. Selon le principe de la souveraineté alimentaire, les territoires (en France, les régions) ont vocation à augmenter leur auto-approvisionnement. Dans ce scénario, l’agriculture retrouve ses spécificités nourricières, sociales et environnementales sur la base d’exploitations agricoles familiales connectées à des TPE et PME agroalimentaires. Elle remplit ainsi son rôle dans le développement des espaces ruraux qui n’auraient pour avenir que la désertification en cas de disparition des activités agricoles. L’itinéraire technologique est celui de l’agroécologie, de l’éco-conception artisanale et industrielle, de l’économie circulaire et des réseaux numériques.
Ainsi, au Nord comme au Sud, le développement de « systèmes alimentaires territorialisés » contribue à la santé des consommateurs, au bon usage des ressources naturelles et à l’emploi. Une telle perspective implique de solides politiques alimentaires nationales et une bonne coordination internationale.
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