Peinture, musique et vidéo par Matheo de Bruvisso

Volonté de présence, volonté du monde

Au début, disaient-ils, la nature était confuse, informe, mal ordonnée, faite d’éléments inconciliables et simplement entassés les uns à côté des autres… elle n’était qu’un amas de matières incapables de fixer la moindre forme… en elle, rien ne communiquait ni ne circulait… Et ils affirmaient que cet état inerte de la nature avait un nom : Chaos.
Puis vint une lumière portée à bout de flambeau par « un dieu, ou la nature meilleure » pour distinguer et ordonner ; une lueur de paix résolue à faire cesser la guerre des éléments, pour les unir par les liens de la concorde dans un ordre nouveau, celui du Cosmos.
Les vieux poètes de l’Antiquité qui racontaient ces choses se gardèrent bien d’interroger l’origine du Cosmos et ses motivations ; ils se bornèrent à constater l’essentiel : la vérité est une aiguille fichée dans la claie noire du Chaos, dont la base brûle d’un feu mystérieux, et sur la pointe de laquelle danse le Cosmos…


Pour notre jeune peintre tout se joue dans ce feu mystérieux et perpétuel, dans cette prime lumière par laquelle le monde s’extirpe sans cesse du Chaos… tout est là, dans ce jaillissement lumineux qui porte un autre essentiel : une volonté de présence inégalable : la volonté du monde.
Dans un geste astreint à aucune vérité, il cherche, semble-t-il, à peindre la volonté des éléments qui animent le monde comme on accouche, avec amour, pour ajouter au registre éternel de la création l’infime seconde de sa réalité.
Peignant la volonté du monde, il peint la volonté de peindre ; et dans ce devenir artistique en perpétuel recommencement, il transmet la force incommensurable d’un monde dont la seule envie est de venir à nous.

Chers visiteurs, regardez bien ces toiles inachevées où explosent l’entière gamme du chaud et du froid, de l’humide et de l’aride, du mou et du dur, du fragile et du solide, du pesant et du léger, du clair et de l’obscure… Voyez comment tous ces éléments – contraints comme la main du peintre par la volonté implacable du monde – s’apprêtent à former une présence qui vous est familière… et que vous entrevoyez déjà dans le Cosmos en devenir de ces toiles, dont la membrane tatouée vibre d’une rumeur d’origine.

Jean Nascien

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