Simon, dit Félix, Arnaudin, est né à Labouheyre, au cœur de la Grande-Lande, dans une famille de métayers et petits notables, en 1844. Lorsqu'il a treize ans, est promulguée la loi de 1857 relative à l'assainissement des Landes, incluant l'ensemencement systématique en pins. Dans sa jeunesse, il verra donc disparaître progressivement, mais à un rythme soutenu, le monde agro-pastoral dont il est issu. Ensuite, les hautes silhouettes de bergers landais rejoindront les figures du folklore, et les moutons dont la fumure était vitale pour les cultures, le panthéon des races régionales disparues. Ce monde en voie de disparition, Arnaudin lui restera désespérément attaché. Au point, toute sa vie durant, d'en recoller les textes, contes et chansons, et d'en fixer les multiples aspects sur des plaques de verre au collodion, dans une œuvre gigantesque de collecte ethnographique doublée d'un véritable travail artistique. Parcourant la lande avec sa chambre photographique sur trépied, il fige les travaux des champs, les paysages et les portraits au terme d'un minutieux travail de composition, pour lequel il établit des croquis préparatoires et, perfectionniste, refait parfois, à plusieurs années d'écart, différentes prises jusqu'à aboutir au résultat recherché. Dans les villages où on l'appelle « lou limageyre » (l'imagier) ou plus prosaïquement « lou péc » (le fou), il embauche des figurants, qui doivent refaire devant l'objectif leurs gestes quotidiens, mais en gardant la pose, assez longue. Il envisage de publier ses travaux, cent images dans un livre, mais la mort l'emporte avant que celui-ci ne voie le jour : seules cinq images seront publiées de son vivant. A l'issue de dons successifs d'ayant droit du photographe, le musée d'Aquitaine, à Bordeaux, est à la tête d'un fond impressionnant de clichés du photographe et d'objets et documents divers : 3235 négatifs sur verres et 2143 tirages contact d'époque y sont conservés. C'est à l'occasion de leur numérisation, réalisée en deux campagnes successives (2008 et 2011) que ce fond, qui n'a jusqu'ici été que peu montré et mis en valeur, a pu faire l'objet d'une exposition événement. Elle se déroule sous forme de tirages numériques et de quelques originaux protégés de la lumière directe, selon plusieurs thématiques. « La Grande-Lande », ce sont les horizons désolés (à l'œil du visiteur occasionnel, pas de Félix), dont le photographe fait disparaître les éventuelles lignes de pins « industriels » par retouche ; les paysages ruraux composés comme des peintures ; les portraits, le bâti, et les scènes de la vie quotidienne. Toujours, il réalise différentes prises de vue, sous des angles variés, améliore un détail, ajoute une présence humaine, réinvestit les lieux abandonnés… Ethnographe, artiste photographe et enfant du pays à la mélancolie exacerbée, il lègue à la postérité une œuvre qui sera redécouverte et consacrée plus ou moins un siècle plus tard.
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