Présenté par Robert Maggiori, philosophe, membre fondateur
On se demande pourquoi le rêve est toujours tiré vers l’évasion, vers l’échappée, la fuite de la réalité. Et si au contraire on l’envisageait comme invasion, comme possibilité d’aller éclairer les arcanes d’une réalité qui ne peut se réduire à ce qu’en livre une saisie rationnelle? Freud, on le sait, le voyait comme voie royale d’accès à l’inconscient – et l’idée, depuis, est entrée dans tous les esprits. Et s’il était aussi une voie, au tracé certes sinueux, peut-être flou, par laquelle il serait possible d’explorer ce que toute réalité, qu’elle soit psychologique, sociale ou politique, laisse inexprimé, à l’état latent, dans les marges, les couches souterraines ou les anfractuosités des discours? Au fond, le brisé fait voir l’intact et la cendre le bois, comme la bévue permet à rebours de savoir ce qui devait être vu ou l’erreur ce qui devait être su. Complice audacieux de l’imagination, le rêve ne pourrait-il pas laisser voir des « plans » inaperçus de la réalité, de même que le regard pointé vers le lointain ou des lieux sans lieu – qu’on dira utopique – permet de mieux apercevoir les qualités et les manques de ce qui est tout proche. Retrouvons les vertus de l’utopie, osons le rêve!
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