Le Garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, est accusé de conflit d’intérêt dans l’affaire des fadettes. Peut-il rester à la Chancellerie ? Est-il crédible ? Quid de l'indépendance du Parquet ? Evelyne Sire-Marin, magistrate, présidente de la chambre sociale de la cour d’appel de Versailles, est l’invitée de #LaMidinale.
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Sur les 8 milliards pour la justice
« C’est une bonne nouvelle. Ceci dit on pense que cet argent qui est très important - la France est 14è sur 27 quand au budget de la justice - va servir plutôt à nommer des ‘ersatz’ de juge qui existent déjà, c’est à dire des délégués du procureur qui vont traiter des procédures rapides et des assistants de justice, plus que des magistrats eux-mêmes, et évidemment renforcer comme toujours la pénitentiaire qui est le budget très important de la justice. On espère que ça ne va pas être pour construire des prisons à nouveau. »
« Il y a avait quelque chose de très positif dans le discours d’investiture de monsieur Dupond-Moretti. »
« Il y a une volonté chez Dupond-Moretti d’humanisation de la peine, de la prison, etc. »
« On a l’impression que la justice de proximité prônée par le premier ministre et repris par le Garde des Sceaux, va plutôt être une justice pénale, immédiate, extrêmement rapide. C’est pas une justice très intéressante. »
« À quoi va servir cet argent ? Grosse question. »
Sur la justice de proximité
« Il y a beaucoup de contradictions entre le premier ministre et monsieur Dupond-Moretti. »
« Il y a quelque chose d’ubuesque d’avoir supprimé les juges de proximité en 2017 et de les rétablir en 2020. C’est totalement aberrant. »
« Cette justice de proximité, pour le premier ministre, est une justice qui doit sanctionner, pénaliser, punir, de façon rapide. En revanche, pour monsieur Dupond-Moretti, pour le Garde des Sceaux, c’est plutôt l’idée de se rapprocher du justiciable. »
« Il y a une contradiction entre le politique, qui est monsieur Castex et qui veut de la sécurité, alors que dans l’esprit de monsieur Dupond-Moretti, qui est un avocat à l’origine, ça n’est pas exactement ça. Et c’est évidemment le politique qui va prendre le dessus. »
Sur le conflit d’intérêt qui touche Dupond-Moretti
« La posture des syndicats qui consiste à dire ‘je ne te parle plus’ [« Il n’est plus notre interlocuteur », avait dit le syndicat de la magistrature], n’est pas spécialement très intéressante. C’est compréhensible du point de vue d’un syndicat car c’est une question d’instauration de rapport de force. »
« Monsieur Dupond-Moretti a réussi à faire l’union des deux syndicats de magistrats contre lui. Ça n’était pas arrivé depuis monsieur Sarkozy. »
« Dupond-Moretti donne un coup de pied dans la fourmilière du corporatisme et je ne peux pas me lamenter par rapport à ça. »
« S’agissant des fadettes, il y a un gros problème de conflit d’intérêt puisqu’il est l’ami de monsieur Herzog, qui va être jugé en novembre avec monsieur Sarkozy, dans l’affaire des écoutes. »
« En sa qualité de Garde des Sceaux, il peut tout à fait savoir, grâce à l’enquête, ce qu’il s’est passé dans cette affaire. Il bénéficie des remontées d’informations des procureurs et des procureurs généraux. Les informations lui arrivent directement. Donc il y a un vrai problème de conflit d’intérêt. »
« Dans l’affaire Urvoas, on a montré que qu’un Garde des Sceaux pouvait être condamné par la Cour de justice de la République pour prise illégale d’intérêt - pour avoir utilisé des informations données, à des fins personnelles. C’est ce qui risque d’arriver à monsieur Dupond-Moretti. »
Sur l’indépendance de la justice
« Il faut limiter les remontées d’informations à la Chancellerie. »
« On peut envisager l’indépendance du parquet pour qu’il n’y ait plus d’obligation du parquet de rendre compte au parquet général et à la Chancellerie. »
« Le procureur général de la cour des comptes ne dépend pas du tout de la chancellerie. Il se débrouille avec son parquet. Il peut gérer son parquet de façon indépendante. »
« Il n’y a que trois pays en Europe, dont la France, où le parquet n’est pas indépendant. »
« Il faut que les procureurs ne soient plus nommés par la Chancellerie. La réforme est prête. C’est un engagement de Macron. »
« Il faut que la carrière des procureurs ne dépende plus du pouvoir politique qu’est la Chancellerie. »
Sur la commission d’enquête parlementaire
« La saisine du parquet de Paris pour éventuellement poursuivre le procureur de Paris ne peut mener à rien. Il ne va pas s’auto-accuser. »
« On soupçonne madame Houlette - qui dirigeait le parquet financier - de ne pas tout à fait dire la vérité. Pareil pour madame Champrenault. »
« On ne peut pas reprocher aux magistrats du parquet d’avoir obéi aux ordres. Le parquet est hiérarchisé. C’est avant tout une question d’indépendance. »
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