Auteur: Belkacem ould said -
(Mostaganem 1892-1945)
Interprète: El-Hachemi Guerouabi
Kifech Hilti
Istikhbâr
Ne selle ta monture qu'après avoir mis le mors et fais
un nœud solide,
réfléchis bien avant de parler, tu ne connaîtras aucune
honte.
C'est par le regard que l’œil évalue ;
c'est auprès du cœur de l'aimé qu'un cœur cherche refuge ;
L'homme sage est attiré par les bonnes actions et fuit les mauvaises.
refrain :
Ô mes amis, que faire pour m'en sortir ? Quelle est
donc l'issue ?
Quiconque m'écoute est stupéfait de mon histoire.
Cesse tes reproches, censeur. Pourquoi me blâmes-tu ?
Si tu avais éprouvé la morsure de ma passion, mes
pleurs t'arracheraient des larmes.
Le prince de l'amour m'a provoqué et a décidé ma mort
dégainant son épée, il m'a ordonné de lui obéir : quel
grand malheur pour moi !
Face à des épées tranchantes, des lances et un corps
d'armée, je ne puis que me rendre et me soumettre, s'il daigne me faire grâce.
Puisque je lui tiens tête, pourquoi me plaindre ?Je n'ai plus rien à dire.
Ô mes amis, ma passion est déchaînée, la cruelle se fait désirer ;
l'épée de l'amour a tranché mon cour et personne ne
s'en est aperçu ; aucun médecin n'a su me réconforter
ni aucun Tâleb me conseiller.
Je me rendis chez le médecin pour lui confier mes soucis.
« C'est l'amour des belles qui t'amène. » me dit-il.
Puis je me rendis auprès du fqîh pour l'entretenir de
tout ce qui m'était arrivé ; « Je te conseillerai et je t'aiderai si tu m'écoutes. »
Je lui répondis: « Ô maître, soulage-moi. Si tu apaises
mon âme, je serai ton serviteur à jamais, si tu veux bien de moi.»
Il me dit: « Renonce à l'amour des belles. » Alors ma
folie augmenta, mon malheur s'aggrava et le monde m'apparut plus suffocant.Je lui répondis :
« Si je renonce à ma passion et à mon amour, il ne me restera plus aucune joie, alors que ma bien-aimée a de tendres sentiments pour moi.
Alors, la mort est préférable à un amour comme le mien. »
Le fqîh sourit, me parla - il me comprenait, et pour cause, ce pauvre fqîh avait lui-même subi ce qui m'est arrivé ; l'amour et la passion lui revinrent en mémoire,
dès qu'il lut en moi et vit mon visage défait.
Il me dit: « Je te comprends, car cet amour est une terrible calamité. »
Tantôt il reste muet,sans une plainte, comme en extase, ivre d'amour à ne pas discerner le soir du
matin, tantôt sa passion et son amour s'embrasent, et
ses soirées se transforment en fêtes avec la belle; il se
divertit et passe une nuit paisible.
L'amour de la beauté dont le prix est élevé n'a cessé de me tourmenter .
Par passion, j'ai suivi de bonne grâce celle qui me dédaigne.
Quand je la vois, le tranchant de son regard me blesse.
Lorsqu'elle s'absente, mon amour pour elle s'embrase.
Cette séparation, je ne la concevais ni ne l'imaginais.
Après tant d'intimité et de complicité, ma bien-aimée s'est emportée contre moi.
Hélas, que sont devenus ces jours et ces nuits ?
Évanouis, disparus à jamais tel un rêve. . .
Je me perdrai dans l'amour des belles et si je dois
dépenser mon argent, eh bien, cet argent ne doit servir
qu'au bien-être, au plaisir du luth, du r'bab, des
soirées aux chandelles et du vin de la vigne.
Et tant pis si l'héritier n'hérite ni d'un sou, ni d'une once!
refrain
L'avaricieux qui amasse pour ses derniers jours jusqu'à
la vieillesse et la décrépitude, aura gâché sa vie ; celui
qui n'a eu de plaisir en ce monde est un être sans âme
il est, telle une bête de somme, entre labours et
fourrages du soir, alors que celui qui jouit de la vie
ici-bas est dans la bonne voie;
lorsqu'il se repentira, il obtiendra de Dieu son plein pardon.
Ô mes amis, je vous en supplie, soyez compréhensifs
et indulgents pour ma folie.
Les amoureux qui m'écouteront me béniront.
Ô commensal, laisse-moi en compagnie de ma boisson,
tourmenté, l'esprit captivé; la coupe de l'amour vivifie
mon cour et favorise l'évasion ; ô commensal, laisse-moi.
Il remplit ma première coupe, mon esprit en fut rêveur
Ô mon frère, j'en restai tout troublé dans ce grand secret laisse-moi ; il remplit ma deuxième coupe, ma passion et ma tristesse en furent avivées.Il remplit ma troisième coupe, qui, étanchant ma soif, me fit divaguer.
Il remplit ma quatrième coupe puis la cinquième et je
fus plein d'humilité; la sixième et septième coupes défilèrent
- ô commensal, rends gloire à Dieu et laisse-moi !
Il remplit la huitième coupe; la neuvième me laissa
figé.Il me dit :
« Après la huitième, on est saisi par le feu de l'enfer.
». Laisse-moi !Il remplit ma dixième coupe et mon esprit voyagea.
Je demeurai dans la félicité du paradis, mon frère.
Ô mon Dieu, au nom de Adnân, consolide puissamment
ma foi et sois compatissant pour Walid et Ôthmân,
ainsi que pour tous les hommes généreux.
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