Présentation : Avec la chute, fin octobre 2017, de Raqqa, dernier fief de l’organisation « État islamique » en Syrie, est redevenue prégnante en France la question du retour des nationaux engagés aux côtés de Daesh dans le conflit. Comment réintégrer dans la communauté nationale ceux qui semblent avoir fait sécession avec elle, au point de choisir délibérément de l’affronter de l’extérieur ?
Cette question nous renvoie à celle de la gestion de la radicalisation religieuse, qui suppose d’en comprendre la nature ou du moins d’en expliquer la mécanique générale. La difficulté principale est que nous voyons bien souvent en nous, vis-à-vis des phénomènes radicaux, se superposer deux impressions incompatibles : l’irrationalité (le radical est assimilé au fou ou au monstrueux) et l’indignation (qui repose sur une condamnation morale). Et il semble des plus difficile de renoncer à l’un des deux. Penser que le radicalisé est un humain qui dispose encore d’une raison établit entre lui et nous une proximité insupportable. L’assimiler à un monstre, une bête furieuse, est renoncer à le juger plus coupable qu’un chien enragé.
Nous proposerons avec Kierkegaard une approche à la première personne de la conversion religieuse hors des « limites de la simple raison » (selon l’expression kantienne), pour tenter de lever ce paradoxe, qui constitue encore un obstacle au traitement politique de la radicalisation.
« Il est des hommes, toutefois, qui agissent en vertu d'une plus haute conception ; ceux-là sont au cœur du stade religieux : ce sont les chevaliers de la foi. Quand ils élèvent la lame, ils entrent en conflit avec le général et doutent d'agir selon la morale. N'ayant plus, en guise de certitude, qu'une effrayante angoisse, ils sont saisis par la crainte et le tremblement : c’est le cas d’Abraham, le Père de la foi.» Crainte et tremblement, Søren Kierkegaard
Thibaut Héry est professeur de philosophie au lycée Le Mans Sud. Il intervient en philosophie générale à l’Université de Nantes, et pour la préparation aux concours des IEP, auprès du GRETA de Loire-Atlantique.
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Kierkegaard - Can we ask the Knights of Faith to be reasonable, Thibaut Héry
With the fall, at the end of October 2017, of Raqqa, the last stronghold of the "Islamic State" organization in Syria, the question of the return of nationals involved alongside Daesh in the conflict has once again become a significant issue in France. How can we reintegrate into the national community those who seem to have seceded with it, to the point of deliberately choosing to confront it from the outside?
This question brings us back to the question of the management of religious radicalization, which implies understanding its nature or at least explaining its general mechanics. The main difficulty is that we often see two incompatible impressions superimposed on each other in the face of radical phenomena: irrationality (the radical is assimilated to the mad or the monstrous) and indignation (which is based on moral condemnation). And it seems very difficult to give up one of them. To think that the radicalized is a human being who still has a reason establishes between him and us an unbearable proximity. To equate him with a monster, a furious beast, is to renounce judging him more guilty than a rabid dog.
Together with Kierkegaard, we will propose a first-person approach to religious conversion outside the "limits of simple reason" (according to the Kantian expression), in an attempt to remove this paradox, which still constitutes an obstacle to the political treatment of radicalization.
"There are men, however, who act by virtue of a higher conception; these are at the heart of the religious stage: they are the knights of faith. When they raise the blade, they come into conflict with the general and doubt acting morally. Having only a frightening anguish as a certainty, they are seized by fear and trembling: this is the case of Abraham, the Father of faith." Fear and tremor, Søren Kierkegaard
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